Alors que tout le monde ou presque avait pris place dans l'auditorium, Horton arriva, vêtu comme les hommes qui l'accompagnaient. Contrairement à Mary, il n'y eut aucun applaudissement mais tous se levèrent d'un même mouvement et se mirent au garde à vous. Dean affichait une expression neutre mais sa démarche raide trahissait une colère profonde qu'il serait bien difficile de calmer. Il monta sur l'estrade et regarda l'assemblée. Pas une mouche ne volait, il fit un geste de la main et les soldats s'assirent à l'exception des officiers Langley, McPherson et Vilner. Quand il n'y eut plus de bruit dans la pièce, il approcha légèrement le micro. Deux jours sans dormir... et il tenait toujours debout, animé par une puissance infatigable. Ginger le regardait, les yeux brillants, trahissant à ceux qui savaient observer qu'elle était profondément amoureuse.
- Mesdames, messieurs, il est 20 heures et 18 minutes. L'opération Styx est terminée. Considérant que les objectifs ont été atteints à 98%, à l'heure où je vous parle, nous pouvons la qualifier d'un succès incontestable. Cette victoire sur ceux qui avaient juré de détruire notre Nation et la Démocratie nous rappelle à tous que nous sommes unis, peu importe nos préférences politiques ou culturelles. Femmes, hommes, vous avez été présent pour sauvegarder ce que nous avons de plus cher. Civils comme militaires, je n'ai vu que des soldats vaillants, courageux, qui n'avaient pas peur de mourir pour sauver d'autres vies, pour préserver la société d'une dictature paramilitaire. Nous voici à l'aube d'une nouvelle ère. Nous allons reconstruire. Je suis réaliste. J'ai parfaitement conscience que vous n'avez jamais démérité mais que le sentiment de défiance à votre égard sera grand. Il faut vous y attendre. Les autres citoyens ne savent ce que nous savons, ils n'ont pas vécu cette opération. La peur est désormais l'ennemie que nous allons combattre et détruire. Pour rétablir la confiance avec le pays, pour renouer les liens et soigner ce traumatisme, j'attends de chacun de vous, que vous gardiez le même comportement exemplaire, le même patriotisme. Et la peur disparaitra. La nouvelle armée armaréenne a montré son visage ! Elle s'est affichée fièrement, en protégeant même ceux qui ne souhaitaient pas l'être, en se montrant à l'écoute et ouverte. Elle n'a pas à rougir, elle ne doit pas avoir honte des exactions et des complots ourdis par des traîtres avides de pouvoir et de conquêtes. Mesdames, Messieurs, vous voici entrés dans l'Histoire, celle avec un grand H. Vos actes héroïques, votre dignité resteront à jamais gravés dans les piliers de notre pays. Certains d'entre vous manquent à l'appel. Ils se sont sacrifiés pour permettre la réussite de l'opération. Leur sacrifice est terrible. Leur perte nous est à tous douloureuse. Ils ont servi avec honneur et avec force leurs convictions profondes. Nous les regretterons, nous les pleurerons. Il ne se passera pas un jour sans que nous pensions à eux, à leurs familles. J'ai été le responsable de cette opération et je n'ai pas l'intention de me défausser de mes obligations. Je ne délèguerais rien aux officiers, rien aux soldats. J'irais moi-même dans chaque famille endeuillée manifester notre gratitude et notre soutien. J'assume la totalité des décisions que j'ai prises, qu'elles paraissent louables ou pas. J'ai tranché en faveur du pays, dans l'intérêt unique d'Armara. Je ne demande aucun honneur, aucun hommage. J'ai fait mon travail, comme je m'y étais engagé le jour où j'ai rédigé la Constitution. Les seules personnes auxquelles nous devons rendre hommage, elles sont devant moi aujourd'hui, elles sont dans cette base, dans les différentes bases auxquelles ce message est retransmis par radio. Ce sont ceux morts au combat, pour Armara, à ces citoyens qui ont contribué activement à la réussite des arrestations et au retour de la paix. Courage et Unité, ce sont les mots qui résonneront encore dans des siècles, quand les générations futures évoqueront cet instant. En tant que citoyen armaréen, en tant que patriote, en tant que démocrate, je vous admire. En tant que Marshall, je vous félicite. Mais en tant qu'Empereur, au nom de la nation toute entière, c'est à moi de vous saluer.
Il fit un salut militaire devant l'Assemblée et ajouta, laissant filtrer un brin d'émotion dans sa voix :
- Vive la Liberté, vive la Démocratie, vive Armara !
Malgré ses volontés, les militaires se livrèrent à une standing ovation assourdissante qui durant pendant plus de cinq minutes, au milieu de vivas et des olés. L'allocution étant terminé, pratiquement tout le monde quitta la salle, à l'exception de Dean, Mary, Ginger, Nicholas, Dave, Deacon, James, Jake, McPherson, Langley et Vilner. Caroline Head resta également avec le reste du Gouvernement. Horton profita que les autres serrent des mains et partagent des accolades pour se rapprocher de Mary.
- Content de voir que vous m'avez écouté. Votre famille va arriver dans quelques instants, j'ai ordonné qu'on aille la chercher pour que vous puissiez les retrouver. Nous devons maintenant aborder le debriefing de l'opération.
Il était tenté de mettre un terme aux épanchements de sentiments qui le fatiguaient plus qu'autre chose. Mais Ginger lui fit un geste pour l'inciter à se prêter aux règles du jeu... Ils eurent un échange de regard intense et Horton, pour la première fois de sa vie, volontairement, entreprit de serrer des mains. Il s'approcha de James Walker et Deacon en premier. S'il ne serrait jamais des mains c'était pour deux raisons. Il détestait ça... et il avait une poigne terrible, capable de vous broyer les os...
- Monsieur... Radcliff, si je ne me trompe pas. Votre vaillance n'est plus à démontrer. Armara vous doit beaucoup. Les informations que vous avez récupérés sur le terminal et sur la clé ont permis de procéder à des arrestations et des démantèlements des points stratégiques de l'ennemi. Merci.
James grimaça malgré lui lorsque les os de sa mains craquèrent. Horton poursuivit :
- La garde impériale manque de génies en informatique, si vous êtes intéressé par une promotion. Vous avez veillé sur la vie de vos hommes et coordonné une intervention cruciale. Le Sergent Peekles ne s'était pas trompé à votre sujet. Ni dans le choix de ses hommes. Bon boulot !